Voici une randonnée qui emprunte un sentier séculaire de procession, et vous permet facilement en 2h et moins de 450 mètres de dénivelé d'accéder à la Chapelle Saint-Simon, haut-lieu de pélerinage du Queyras, via une balade très bucolique puisqu'elle traverse plusieurs alpage et forêts, et passe à proximité d'un lac (lac des Clots).
La randonnée sera un pretexte pour redécouvrir l'histoire, les mythes et légendes de ce site hautement important pour les vallées du Queyras. Jean Fazy a écrit un beau résumé sur ce site exceptionnel (L'Anachorète saint Simon : sa chapelle et son pélerinage à Molines-en-Queyras,1909), dont vous trouverez un résumé après le rapide topo de randonnée.
La randonnée n'est pas difficile et progressive. A noter que vous traverserez plusieurs torrents, mais faire attention car ce versant de la vallée de l'Aigue Blanche est très fréquenté par les troupeaux. Préférer ravaitailler à l'eau de la Fontaine de la Saint-Simon, qui en plus vous fera bénéficier de ses vertus.
Le point de départ se situe au parking de la Chapelle Sainte-Agathe de la Chalp de Saint-Véran : traverserez le pont qui enjambe l'Aigue Blanche, vous y trouverez de l'autre côté le panneau indicateur. A noter que cette randonnée emprunte le GRP Tour de la Dent de Ratier.
Le sentier passe tout d'abod à proximité de la Croix de la Réconciliation (érigée lors de Retour en Queyras, pour rappeler les durs moments connus par ces vallées lors des guerres de religion), avant de s'élever dans le Bois noir, en passant par Rif de Rouart puis le Ravin de Combe Arnaude, surplombé par la Crête de la Combe Arnaude et la Roche des Clots (2801 m).
Vous monterez ensuite à travers plusieurs alpages et clairières bien fleuris, à partir desquels vous pourrez observer la vallée de l'Aigue Blanche (Molines, le Coin, Fontgillarde, Saint-Véran et le vallon de Beauregard). Vous entrerez ensuite dans le bois de Pisan en traversant Herbe Vieille, pour ensuite passer à proximité du lac des Clots (et de ses deux petits frères). Si vous êtes curieux, vous noterez la croix qui le surplombe, point de passage de la procession de la Saint-Simon.
Une dernière petite ascension vous amènera au point culminant de la randonnée (2257m), avant d'entrer dans Bois Saint-Simon via un sentier ombragé, à partir duquel vous pourez observer à travers les mélèzes le grand pic de Rochebrune (3325m). Ce sentier redescend vers la Chapelle Saint-Simon, située dans une clairière.
La Chapelle se situe dans un petit cirque : vous noterez la petite réserve d'eau située en contrebas de la Chapelle, ainsi que la fontaine de la Saint-Simon (renovée en 2014) et la Croix de Mission surplombant le site.
Le nom de Saint-Simon n'est pas à confondre avec celui de Saint-Simon l'apôtre de Jesus. Le Simon dont le site a pris le nom (la forêt, le vallon, les coteaux, la fontaine et sa source, et la chapelle) est celui d'un anachorète confesseur qui vécu à cet endroit, sans que l'on soit capable de dater sa période d'existence. Son histoire fut retracée par la tradition orale et survecue à toutes les révolutions, révoltes et guerres de religion : son importance fut si majeure qu'elle résista avec le temps.
Le terme anachorète fait référence à un moine qui aurait décidé de se retirer dans la montagne pour se détacher de la vie trépidante et se consacrer à la prière. Simon aurait véu dans les premiers siècles du christianisme dans le Queyras, dans une période que l'on pourrait situer entre le 3ième et le 9ième siècle, juste avant l'invasion sarazine.
Vraisemblablement il serait issu de la communauté du petit monastère de Molines qui se trouvait à proximité de l'église Saint-Romain. La vallée a été évangelisée vraisemblablement par les premiers apotres venus de Suze au 8ième siècle (La Novalaise, religieux bénédictins de l'ordre de Saint-Benoit). Certains évoquent le fait qu'il soit venu d'Orient pour évangéliser l'Occident et les Alpes. A défaut, il pourrait s'agir d'un druide de l'époque gauloise. Ce qui est sûr c'est qu'il était très reconnu par les habitants des vallées, il participait à la vie religieuse des communautés.
Simon était un anachorete confesseur, un hermite auprès duquel on venait se confesser (voilà pourquoi les pélerins chantent Iste Confessor pendant la procession), non pontife (non apôtre) mais solitaire. Il aurait vécu dans ces lieux, sanctifié dans la solitude et silence des forets.
Les populations des différents villages du queyras sont venues depuis la haute antiquité en pèlerinage, pour faire pénitence, raviver sa dévotion envers les Saints, rechercher sa protection et bénéficier de ses vertus. Le fait qu'il ait vécu là, mais aussi les miracles divins expliquent aussi la popularité du site à travers les siècles (l'eau guerisseuse/curative, les mystères du site lors de ses diverses reconstructions). Ceci est d'autant plus surprenant que de nombreuses chapelles ont été détruites lors de l'avènement du protestantisme /calvinisme, sauf celle là qui fut reconstruite après les troubles et révolutions.
La chapelle ne fut pas toujours une chapelle, et son emplacement évolua dans le temps :
A noter que l'oratoire et le culte de l'hermite avaient été délaissés, puis ont été rétablis à la suite de la manifestation faite à des enfants qui trouvèrent, en gardant leurs troupeaux, une image de saint Simon et la rapportèrent au village :
De (jeunes) bergers, dit cette légende, ayant conduit leur troupeau sur les hauteurs de la montagne trouvèrent un jour une image où se lisait le nom de saint Simon.
Emerveillés de voir cette image en ce lieu à côté d'une fontaine et désireux de la posséder, ils l'emportèrent au village. Grande fut leur surprise, le lendemain, de voir que l'image avait disparu. Mais ramenant leur troupeau au même lieu que la veille, ils y trouvèrent l'objet de leurs recherches. Cette fois ils n'osèrent y toucher.
La chose fit du bruit et passa pour une invitation du ciel à honorer le saint dans cette solitude. Un oratoire fut élevé sur le lieu où l'image avait été trouvée.
Ainsi ils réveillèrent, dans l'esprit des populations, le souvenir du culte rendu antérieurement à Saint Simon, culte qu'on avait abandonné et "que le ciel rappelait et voulait raviver", par ce fait merveilleux. C'est alors que la population se décida à reprendre l'ancienne dévotion délaissée, et à relever, sur la montagne, l'oratoire ou la chapelle qu'on avait laissé tomber. Le culte de Saint Simon fut ainsi rétabli et perpétué jusqu'à nos jours, malgré les revers et les intermittences qu'il eut à subir et qu'il subira encore.
A noter également que, d'après la tradition, la chapelle a été maintenue dans ces lieux, alors qu'un projet déja arrété devait la reconstruire au village. Un fait merveilleux a fait désapprouver le projet (voir plus bas).
Lorsqu'un Saint était reconnu, les puits ou fontaines situés à proximité du tombeau qu'on vénérait, sont toujours devenus systématiquement bienfaisants. Si c'était une source, comme à saint Simon, les eaux avaient reçu une vertu bienfaisante, dont profitait la piété des pélerins, par la volonté de Dieu et parce que le saint y avait puisé et s'en était servi. Il n'y a pas d'exemple de but de pélerinage sans accompagnement de fontaine : la source jaillisante est partout le signe de la puissance d'un Saint. D'après cette tradition, le tombeau du Saint communiquait aux eaux de la source une vertu salutaire et surnaturel
Ainsi l'eau de la Fontaine de Saint-Simon est reconnue par la foi populaire comme ayant une vertu bienfaisante et salutaire, et serait l'origine de plusieurs miracles (voir plus bas). N'hésitez donc pas à la boire !
Le 6 août, la Chapelle Saint-Simon est le point de rendez-vous d'un pélerinage séculaire en l'honneur de Saint-Simon, effectué par les vallées de l'Aigue Blanche et l'Aigue Agnelle (Molines, Saint-Véran, Fontgillarde et La Chalp Sainte Agathe), auparavant Ville-Vieille y prenait part. Ce culte remonterait à l'époque où vivait le solitaire, qui, par sa vie sainte et ses bienfaits, avait attiré à lui, dans sa solitude, les populations voisines qui venaient le visiter, le consulter, se confesser, et lui demander la faveur de ses prières. Ce concours se continua, grandit et se manifesta vivement en public, après sa mort, à l'oratoire qu'il avait pu élever lui-même ou que les pèlerins édifièrent plus tard, sur les lieux où il avait vécu et s'était sanctifié.
Cette date du 6 Août correspond aussi à la fête de la Transfiguration : cette date fut également choisie pour honorer Saint Simon, plutôt qu'un autre jour. Il semblerait que ce jour ait été retenu car c'est également du décès de l'anachorète et que, selon la pratique de l'Eglise, on doit autant que possible honorer les saints et célébrer leur fête le jour de leur migration au ciel. Saint Simon serait donc mort le jour de la Transfiguration, jour où les apôtres privilégiés furent les témoins heureux d'un rayon de la gloire divine. Il est donc convenable de croire qu'il fut lui aussi, dans cette journée, favorisé de la vision des apôtres ou de Notre-Seigneur, comme d'autres fidèles amis de Dieu. Depuis sa mort, son tombeau a été visité et glorifié à travers les siècles par la venue, près de lui, de processions nombreuses et d'une foule de pèlerins
Historiquement, trois processions se rejoignent à la Chapelle : les paroissiens de Fontgillarde/Molines, ceux de Saint-Véran/La Chalp, ceux de Ville-Vieille, chacun empruntant un chemin de procession dédié. Selon les années d'autres paroissent se joignaient à la procession, notamment lors de périodes de sécheresse ou d'accidents naturels, afin d'implorer l'aide de Saint-Simon pour ramener la prosperité dans les récoles ou la clémence des éléments naturels.
Historiquement, les fidèles se retrouvent d'abord dans les églises de leurs villages respectifs, les cloches sont sonnées, la procession se forme avec les insignes :
Le repas ne dure pas trop, les processions se reforment pour descendre vers les villages respectifs.
Aujourd'hui, le pélérinage est certes moins fréquenté, mais pratiqué encore chaque année. Certainement que la vie moderne dans la vallée du Queyras est moins rude que dans les siècles précédents, subissant moins les affres de la nature. Domage que la procession de la Saint-Simon soit moins fréquentée, compte tenu de son importance séculaire pour la vallée et des faits historiques durs qu'elle a traversé. Indiscutablement un évènement à regénérer.
A noter qu'une autre procession est théoriquement organisée lors de la Saint-Simon du 28 octobre, en l'honneur de Saint Simon et Saint Jude. Il n'y aurait ce jour qu'une messe privée avec quelques particuliers, afin d'honorer par un culte particulier le Saint Apôtre Simon, ce dernier ayant été imploré par le Saint Ermite local éponyme. La tradition populaire n'a pas trouvé mauvais de rémémorer cet usage.
La notoriété du site, et au delà le culte de Saint-Simon et la procession annuelle ont traversé les siècles. Cette ferveur renouvellée a été regénérée via de nombreux miracles et autres faits extraordinaires rapportés par de nombreux témoignages oraux, des légendes et faits historiques qui ont impressionné l'imagination et les âmes des populations :
Pour le retour, il est possible de redescendre via le sentier de procession qui rejoint le Serre ou la Rua de Molines-en-Queyras.
Depuis la Chapelle, pour pouvez également poursuivre en direction du col des Prés Fromage (1km, 20mn), et même poursuivre jusqu'au Sommet Bucher (2,6km, 50mn). Vous passerez à proximité des chalets et cabanes typiques de Clot Henry.
Bref, une randonnée familiale empreinte d'histoires et importance pour les vallées queyrassines, à ne pas manquer quand vous êtes sur le secteur Molines/Saint-Véran.