Voilà un site que l'on ne soupçonne pas lorsqu'on passe à Guillestre et Mont-Dauphin, mais qui pourtant surprendra les visiteurs
Au sommaire :
Le site de la Fontaine Pétrifiante se situe face au site de plan de Phazy, de l'autre côté de la Durance (en rive droite). Une fois garés, vous pourrez au choix emprunter deux chemins qui partent du parking : l'un est direct (simple chemin en terre), l'autre vous fait emprunter des espaces verts aménagés et des bassins (abritant notamment un espèce locale de crapauds jaunes). En 5 minutes, vous serez au pied de la la Fontaine.
Ensuite vous pourrez emprunter les escaliers qui permettent de contourner sur la droite la Fontaine pour se retrouver à l'arrivée de la source qui se déverse ensuite sur les différentes vasques. De là, vous aurez un beau panorama sur le Guillestrois : la place forte de Mont-Dauphin classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, la Durance, Guillestre, Risoul que l'on devine et le Plan de de Phazy de l'autre côté de la Durance.
Le site, bien qu'enclavé, est néanmoins protégé à plusieurs titre.
Tout d'abord Réotier est une commune périphérique du territoire du Parc des Ecrins.
Ensuite, suite à la construction de la ligne de chemin de fers Gap-Briançon à la fin du 19ième, la base de la fontaine a été amputée. Le train passe en effet maintenant à proximité immédiate, et c'est bien dommage. A la fin des années 30, le site a été donc été classé aux monuments naturels pittoresques des Hautes-Alpes le 7 juin 1937 afin de le protéger de toute amputation ultérieure.
Par ailleurs, le site est dit Natura 2000, c'est à dire un site écologique rare reconnu au niveau européen comme représentatif du patrimoine naturel des États membres de l’Union européenne. La particularité est la salinité de l'eau, qui permet à une faune et flore particulière de s'y développer, de manière plus spécifique la zone se constitue en pré-salés.
Enfin, le site de la Fontaine de Réotier a été reconnu comme Espace naturel sensible par le conseil départemental des Hautes-Alpes
Lors de la construction de la ligne de train en 1889, entre 300 et 400 pièces romaines en argent ou bronze furent découvertes au pied de la fontaine. La datation a permis d'établir qu'il s'agissait de pièces s'échelonnant du règne de Tibère (ans 14-37 avant Jésus-Christ) à celui de Magnence (350-363 après JC). On a également trouvé des offrandes diverses, laissées là par les voyageurs, notamment une petite jambe de bronze romaine. Ces éléments archéologiques sont visibles au Muséum de Gap. Le site de la Fontaine Pétrifiante était en effet situé sur la voie romaine Arles-Rome, et donc déja visité.
Vous trouverez également au départ du parking la petite légende d'Antoine de Réotier, rappelée par Jean-Combe dans un article "Un Conte de Noël" dans la Revue du Patrimoine Historique "Pays Guillestrin" : ce paysan, parti faire quelques colportages en Provence, termina son voyage retour en passant par Gap, où il du continuer à pied. Il s'est retrouvé bloqué par une tempête de neige un soir d’hiver de 1697, on y voyait pas à plus de 10 pas. Il implora tout d'abord la Vierge, mais la tempête ne faiblit pas, il du attendre une accalmie qui arriva pendant la nuit. Un éclair le fit sursauter et il aperçu tout près de lui, un monstre aux dents acérées et il se crut en enfer. Il décida d'affronter le monstre et s'approcha du monstre, armé d'une branche aussi grosse qu'un gourdin, pour en découdre. Ce fut alors qu'il reconnut, éclairé par la lune, la silhouette de la fontaine pétrifiante que tous connaissaient dans sa paroisse. Il fut chez lui quand sonnèrent les douze coups de minuit, son épouse venait tout juste d'accoucher !
Antoine de Réotier était colporteur, car cultiver la terre ne suffisait pas à nourrir sa famille. Au début de l’hiver, Antoine prenait son bagage, achetait sa pacotille puis partait en Provence. Cette année-là, sa femme avait le ventre déjà bien rond quand il partit. C’était pour Noël, lui avait-on dit. Le moment venu, il avait pris le coche d’Apt à Manosque, puis de Manosque à Sisteron. Il y était le 20 décembre, mais le coche pour Gap ne partait que dans deux jours ! Alors il décida de continuer à pieds.
Le temps était sec, froid et beau. Antoine, bon marcheur, fit étape à La Saulce, puis Chorges, et enfin à Embrun. Le 24 au matin, passant l’arête de Saint-Alban, il apercevait enfin les crêtes de Catinat. Mais le temps se gâta, de gros nuages noirs s’accumulaient sur la plaine et l’air se radoucissait lentement. A trois heures il atteignit Saint-Clément et avançait au pied des vignes quand la neige se mit à tomber. D’abord tranquillement, les flocons devinrent si drus, qu’Antoine ne voyait rien à dix pas. La neige commençait à lui brûler le visage : «Es pas poussible, tan près de l’oustaou!»
Ne sachant plus par où aller, il se mit à genoux et dit à peu près ceci : « Notre Dame, il y a 1697 ans votre Fils est né, vous aussi vous avez eu froid, avant de trouver un âne et un boeuf pour vous réchauffer, alors ayez pitié de moi...». Mais la tourmente redoubla. Son esprit vacillait quand soudain un coup de tonnerre le fit sursauter. Dans les éclairs il vit un monstre, un énorme monstre, aux dents blanches acérées : «Siou en enfert, es lou Grapelet o Belzebuth ? Maria, maïre de Diou, adjude-mé!»
Perdu pour perdu Antoine, dans un ultime sursaut de courage, tenta le tout pour le tout. Il se leva, scruta l’obscurité, il ramassa une branche morte et avança, décidé à affronter la bête immonde... La clarté de la Lune commençait à déchirer tout doucement les nuages. Il reconnut la silhouette du monstre terrifiant aux dents tranchantes : la fontaine pétrifiante
! «M’as fa paour tu, sa! Tu es pourtant bien belle avec ton nez de pierre et tes dents de cristal. Ton grand bassin te sert de miroir par ce temps glacé!"
Situé face au plan de Phazy, de l'autre côté de la Durance, le site de la fontaine pétrifiante de Réotier dispose lui-aussi de caractéristiques géologiques spécifiques.
L'eau issue d'une source située plus au dessus se déverse sur différentes vasques circulaires, formant en dessous des bassins d'eau. D'une température de 20 degrés, l'eau est thermo-minérale : elle est riche en gypse, sulfate ce chaud/calcaire, carbonate de calcium, magnésium et sel.
Les vasques sont suffisamment espacées pour faire apparaître des chutes d'eau, qui rajoutent du cachet au site.
L'eau alimente ensuite le même courant souterrain que celui du plan de Phazy : les deux sites sont situés sur la grande faille de la Durance, les eaux de ruissellement s'infiltrent en se chargeant de minéraux, et en se réchauffant progressivement, pour rejaillir poussées par la pression.
L'eau de Réotier est néanmoins moins chaude que celle de Phazy (20° contre 26°), et également moins chargée en sels minéraux / moins salée ( 5 gr/litre vs 7 gr/litre).
Le bec versant de concrétion principal (appelé aussi Bec de Lièvre), qui prend la forme d'un dragon crachant dans l'eau, s'est effondré à plusieurs reprises sous son propre poids, les dernières en 1981 et en 2009, mais se reconstitue naturellement.
La spécificité de l'eau de la fontaine a intéressé en 2014 des Chinois qui étudiaient de l'exploiter dans les cosmétiques. Finalement, en 2015, un partenariat a été signé avec l'Occitane, qui a amorcé des études plus approfondie avant d'éventuellement exploiter les propriétés des eaux de Réotier. Dommage qu'on n'étudie pas une exploitation complémentaire de celle du Plan de Phazy !
Que faire après avoir visité la Fontaine de Réotier : vous pouvez partir visiter la place forte Vauban de Mont-Dauphin classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, finir votre journée au plan d'eau d'Eygliers, ou encore passer un peu de temps à la base de pêche / pisciculture située à proximité (en face du parking), mais ne manquez pas le site jumeau du Plan de Phazy, autre curiosité géologique du Guillestrois facilement accessible.